1. |
LA FOURMI
03:12
|
|||
Ce matin j’ai vu une fourmi verte. Elle ne courait pas dans l’herbe : je l’ai découverte sur un mur de ma chambre à coucher. C’était une fourmi aux dimensions exceptionnelles, puisqu’elle mesurait, à vue d’oeil, dans les cinquante centimètres, des pattes arrière aux antennes. Elle était verte-noire, moirée, avec des reflets satinés.
Comment était-elle entrée ? Je vis dans un immeuble, au treizième étage. Une fenêtre était entrouverte, mais cette fourmi me semblait bien trop grosse pour s’être glissée par là. Était-elle seule ? Il faudrait vérifier.
Ses griffes collées au mur, elle se tenait entre la porte de ma chambre et moi, et, en arrêt, me laissait l’observer. Ses formes étaient denses ; je l’aurais dite musclée, n’était la rigidité visible de son exosquelette. Un peu statue, un peu machine, la pureté du galbe de ses membres, l’apparente excellence de ses articulations, sa carapace au grain égal et à la couleur changeante à la fois me fascinaient et m’épouvantaient. Était-elle hostile, ou apeurée ? Nulle émotion ne transparaissait. Elle me semblait venir d’un autre monde. Sa perfection immobile lui conférait un air d’assurance absolue, une supériorité faisant de moi l’intrus. Une déité hermétique et sublime, d’une beauté glaçante, était apparue dans mon petit foyer.
Mais malgré sa splendeur j’étais dérangé par cette présence, qui représentait peut-être un danger, et je voulais la chasser sans attendre, comme je l’aurais fait avec un autre insecte. Pour lui montrer que je désirais qu’elle s’en aille, et tenter de la comprendre mieux, je cherchais son regard. Mais ses yeux étaient comme deux bulles d’encre noire, depuis lesquelles je la sentais me fixer, mais que je ne pouvais pénétrer.
En dépit de la potentielle menace, de l’urgence, de la panique près de me submerger, je répugnais à user de violence, je voulais éviter de blesser cette créature idéale. A dire vrai, j’anticipais avec une frayeur dégoûtée l’idée de la toucher à main nue, et qu’elle pose ses pattes sur moi. Les yeux rivés sur elle, figé dans ma posture, craignant qu’elle ne se précipite soudain si je ne bougeais même qu’un peu, je cherchais mentalement dans quoi l’envelopper pour la jeter dehors. Dans mon effroi, je ne tenais pas compte des conséquences qu’il y aurait à laisser tomber du treizième étage, dans une rue passante, une fourmi géante.
Alors que, fiévreusement, je me demandais comment m’en débarrasser, soudain tout s’est résolu, la fourmi est partie comme elle était venue. Elle a subitement disparu : c’est ainsi que les rêves sont faits.
|
||||
2. |
CHALEUR
00:47
|
|||
3. |
LE MUR-MIROIR
01:34
|
|||
4. |
CIRONS
01:52
|
Alcide Nemô France
Alcide Nemô écrit et compose de temps en temps. De ses chansons il fait des versions, avec ses amis imaginaires, ou en concert avec de vrais musiciens : PPPunk, le duo Calzône, l'Atelier d'Eveil Musical de Soultz-les-Forêts... « On dirait la rencontre entre Brian Eno et Pierre Vassiliu dans le garage des Sleaford Mods. » « Y’en a des marrantes et y’en a qui gênent.» « Alors vraiment, bravo! » ... more
Streaming and Download help
If you like SONGS of NYAP numéro quatre, you may also like:
Bandcamp Daily your guide to the world of Bandcamp